Il faut s’opposer à la suppression du Juge d’instruction

COMMUNIQUÉ du 10 juin 2020

Il faut s’opposer à la suppression du Juge d’instruction

La première mission d’un Etat de droit est de garantir les libertés individuelles et collectives, parmi celles-ci le droit à une Justice impartiale respectueuse des droits de la défense.

Le projet de réforme du Code de procédure pénale déposée une énième fois par le CD&V, qui prévoit notamment la suppression du Juge d’instruction au profit d’un ministère public omnipotent et tout puissant, pose la question d’une justice indépendante et impartiale, ce qui touche aux fondements de notre démocratie.
Ce projet, d’un parti qui s’est illustré depuis le début de l’année comme le plus liberticide des partis parlementaires, consacre l’abandon des droits de la défense dans notre modèle judiciaire.
Cette volonté de modifier profondément les équilibres démocratiques du pays se déroule, une fois de plus, dans l’indifférence des contre-pouvoirs naturels que sont les médias et les associations subsidiées de défense des droits.

Le Juge d’instruction constitue une garantie incontestable pour le mis en cause puisqu’il enquête tant à charge qu’à décharge et a une connaissance approfondie du dossier qu’il instruit.
De plus, il possède toutes les garanties d’indépendance et d’impartialité requises. En effet, contrairement au Parquet, le Juge d’instruction n’est pas affilié au pouvoir exécutif.
Le juge d’instruction assure l’exercice de sa mission sous le contrôle de la Chambre du conseil et ce dans un débat contradictoire.
Le doute fait partie de son ADN.
Ce Juge a l’obligation d’instruire, il peut être contraint d’effectuer des devoirs complémentaires, enfin il peut être récusé.

Confier au Ministère public, l’une des parties au procès, le monopole de l’enquête constitue une atteinte grave aux droits et libertés fondamentales.
Le Ministère public est en effet organiquement membre du pouvoir exécutif, dans une structure hiérarchisée, soumis à une politique criminelle du Collège des procureurs généraux et à un pouvoir d’injonction positive du ministre de la Justice. Il fait partie d’un corps dont la plume est serve. Son autorité hiérarchique n’est pas celle de l’Ordre judiciaire.
Le Procureur, contrairement au Juge d’instruction, n’est par définition ni indépendant ni impartial.
Le doute ne fait pas partie de son ADN. Rien ne peut le contraindre à effectuer des devoirs d’enquête à décharge, rien ne l’empêche de cacher au Juge de fond des éléments du dossier et personne ne peut le récuser pour partialité ou déloyauté.

Le Parquet décide déjà, par monopole, de l’opportunité des poursuites qu’il n’est pas tenu d’exercer; le fait qu’il possède, en plus, le monopole des enquêtes est une hérésie.
Comment être une partie au procès à la fois loyale, impartiale et avoir comme but principal la condamnation du prévenu ?
Il a aussi la maîtrise perverse du temps, sans responsabilité… ce qui lui permet de laisser passer le temps pour, le cas échéant, dépasser dans certains cas les délais de prescription ….
Les incompatibilités de ce mélange des genres sont ceux qui apparaissent déjà lors des enquêtes d’information qui font l’objet de citations directes devant le Tribunal ou encore lors des comparutions rapides: les droits de la défense n’y sont pas respectés. Le contradictoire n’est pas assuré. Ce sont des procédures à dominante arbitraire qu’il faudrait bannir de notre code de procédure, à l’exception de celles initiées suite à un flagrant délit.
Actuellement, les investigations menées sous le régime de l’information ne permettent pas à la défense de s’exprimer. Les personnes poursuivies n’ont même pas accès aux soupçons qui sont portés contre elles.

Le Parquet peut décider de poursuivre ou de classer sans suite un dossier alors que le Juge d’instruction est obligé d’instruire jusqu’à ce qu’une juridiction d’instruction se prononce. Le Juge d’instruction est donc un arbitre dans l’équilibre des intérêts en présence.
Les Substituts du Procureur ne sont pas non plus, à la différence des Juges d’instruction, assistés d’un greffier qui constitue un maillon indispensable à la bonne conduite des instructions.
Contrairement à la loi française, la législation belge ne consacre pas l’obligation d’impartialité du Ministère public ; celui-ci est donc par nature déloyal, il peut cacher des faits disculpant puisque son unique objectif est de faire condamner.

Le Ministère public est placé dans une ubiquité d’appartenance qui dépareille dans notre paysage constitutionnel caractérisé par l’indépendance des trois pouvoirs.
Les défenseurs de la thèse de l’appartenance du Ministère public au pouvoir judiciaire et de son indépendance par rapport au pouvoir exécutif se trompent : la lecture des travaux du Conseil supérieur de la Justice ne permet pas d’adopter un point de vue aussi tranché.
Le Conseiller Luc Hénart, ancien président du TGI de Bruxelles l’a clairement explicité en décembre 2016 : « Le Parquet n’est par définition pas indépendant. On va me reprendre à ce propos en citant l’article 151 de la Constitution qui établit cette prétendue indépendance. Mais, on l’oublie trop souvent, ledit article précise : « sans préjudice du droit du ministre compétent d’ordonner des poursuites et d’arrêter des directives contraignantes de politique criminelle, y compris en matière de politique de recherche et de poursuite ». Fondamentalement, on n’a pas osé rappeler, à l’occasion de la révision de cet article, que le Parquet est en réalité le « bras armé », ou plus modérément, le représentant de l’exécutif auprès des juridictions. Indépendance disiez-vous ! »

Il est étrange que la figure du Procureur du roi soit si peu présente dans les discours critiques de la Justice. Or, il occupe une place essentielle dans la chaîne pénale. Il défend les intérêts de la société. Il soutient l’accusation. Il est une des parties au procès et doit en principe n’avoir que des armes égales à celles de la défense. Et pourtant…, il partage les mêmes bureaux que les juges du siège, y compris d’instruction, plaisante avec eux à la machine à café, utilise les mêmes vestiaires, entre en audience par les mêmes portes et s’assied à égalité avec les magistrats sur le même estrade. Est-ce cela l’égalité des armes ?

La Convention européenne des Droits de l’Homme impose d’assurer un procès équitable et confère ainsi au citoyen une série de droits lorsque celui-ci fait face à une accusation, surtout le droit à l’égalité des armes et à une procédure contradictoire face à un juge indépendant.
La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que le Procureur n’est pas une autorité judiciaire indépendante (Arrêt Medvedyev, Arrêt Moulin, Arrêt Vassis).
Selon la Cour, « le principe de l’égalité des armes requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause, ses arguments, ses preuves dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ».
La Cour lie profondément le principe de l’égalité des armes au droit à une procédure contradictoire ou à la notion de procès équitable puisqu’elle estime qu’il est « l’un des éléments de la notion plus large de procès équitable »
Elle définit la notion de procès équitable comme impliquant le droit pour les parties de prendre connaissance de toute pièce ou observation soumise au Juge de fond, en vue d’influencer sa décision, et de la discuter.
Elle considère que le Ministère public doit se trouver dans une situation comparable à celle de l’accusé car il endosse le rôle d’ « adversaire ».

La disparition du Juge d’instruction suppose une procédure, devant le Juge du fond, qui sera désormais totalement accusatoire, sauf reconnaissance préalable de culpabilité.
C’est une révolution copernicienne qui fait dériver notre droit vers une américanisation de la procédure.
Désormais le mis en cause devra prouver son innocence par une contre-enquête privée.
Une procédure qui réservera l’équilibre des armes avec l’accusation aux seuls justiciables les plus riches et la certitude pour les autres d’être systématiquement condamnés.
Cette réforme confortera cette dérive de la justice belge dont la procédure de transaction pénale n’était que l’avant-garde dans l’instauration d’une justice à deux vitesses.
C’est inacceptable.

Pour la DROITE POPULAIRE, la tentative de réforme du code de procédure pénale proposée par le CD&V doit être définitivement rejetée. Il faut au contraire renforcer, non seulement le rôle du Juge d’instruction, mais la réalité du principe d’égalité des armes entre l’accusation et la défense.
Une des réformes urgentes à initier est de rectifier « l’erreur de menuiserie » de la place occupée physiquement par le représentant du Ministère public à l’audience.
Pourquoi le « Parquet » ? Parce que ses représentants sont sensés se tenir en bas de l’estrade sur laquelle prennent place les Juges et être ainsi situés sur le même plan que la personne poursuivie.
Pourtant, dans l’ensemble des Palais de justice, les salles d’audience sont conçues de telle sorte que le représentant du Ministère public a sa place sur l’estrade en surplomb de la défense.
Pourtant, le Parquet n’est pas membre de la formation du jugement. À ce titre, il n’assiste pas au délibéré
Il est au contraire une des parties au procès pénal.
Il n’existe aucune justification sérieuse au maintien de la position privilégiée du Ministère public à l’audience, de telle sorte qu’elle doit être abolie, ne fusse que pour satisfaire symboliquement au principe d’égalité des armes.

Au contraire de la proposition du CD&V, la DROITE POPULAIRE réclame d’autres réformes judiciaires plus ambitieuses et capables de hisser la Belgique au plus haut niveau dans le classement des pays ayant une Justice irréprochable en matière de respect des droits de la défense.

www.droitepopulaire.be

Pour le Bureau Politique
Vanessa CIBOUR, Co-Présidente
Aldo-Michel MUNGO, Co-Président